Ouvrage collectif

Une réflexion nouvelle sur la triche et le mensonge

11 mai 2017

Un nouveau regard sur la triche et le mensonge - L’Harmattan, Paris.
Perseil S. Pesqueux Y. Banaon Y. Ben Mansour K. (dir) 2017

Au moment où les faits alternatifs et la post-vérité prennent une place importante dans de nombreux débats, le Cnam avec le soutien du Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l'action (Lirsa) publie un ouvrage en lien avec ces discussions.

Un nouveau regard sur la triche et le mensonge (éditions L'Harmattan)

Ce livre reprend toute une série de travaux produits par des chercheurs du Cnam, mais d’autres horizons également, venus présenter leurs papiers lors d’une journée de recherche en 2016. Le traitement du sujet a permis une approche par différentes disciplines, mais la gestion a été particulièrement concertée. Parmi la vingtaine de communications, plusieurs sont le fait d’enseignants et d’intervenants du master marketing de l’ICSV (Maria Mercanti-Guérin, Jawad Mejjad, Sonny Perseil et Benoit Petitprêtre).

Quelques éléments concernant deux papiers s’inscrivant dans le marketing

L’époque semble en effet favorable au développement de mécanismes qui permettent la propagation du mensonge et de la triche. Outre le fait que le système capitaliste est particulièrement « propice à la prospérité du tricheur » ainsi que le rappelle Philippe Broda en introduction, le monde connaît également des mutations phénoménales telles que la multiplication du nombre de diffuseurs et médias en tout genre qui permettent ainsi l’exposition d’un nombre de points de vue innombrable. Mécaniquement, l’accélération technologique, et la surabondance d’information qui en résulte, limitent la capacité de chacun à trier, hiérarchiser ou encore saisir une argumentation ou bien un raisonnement intellectuel. De même, ce nouvel environnement technologique favorise la diffusion des rumeurs. Dans cet environnement, viralité vaut fréquemment véracité.

Communication digitale et fraude

Ces mutations pèsent sur l’évolution du marketing. Ainsi, Maria Mercanti-Guérin analyse comment le marché de la publicité digitale est affecté par des comportements de fraudes, parfois involontaires. Ces fraudes dans le domaine en question concernent la réalité du trafic des sites Internet qui donne lieu en effet à une surestimation dans des proportions importantes, ce qui sape la confiance dans les indicateurs servant à sa mesure. Ces fraudes aboutissent à une perte de revenus pour l’industrie publicitaire (sommes investies en pure perte et coût de la lutte contre ces fraudes) ainsi qu’au développement de logiciel bloquant la publicité. Tout cela coûte plusieurs milliards de dollars à ce secteur.

Marketing et mensonge

D’une façon plus générale, et depuis ses origines, le marketing est suspecté de mensonge ainsi que le rappellent Benoît Petitprêtre et Jawad Mejjad. Toutefois le marketing et la communication qui va avec peuvent être perçus comme une forme de repère pour le consommateur : c’est la notion de marque de fabrique, par exemple, qui est là pour rassurer. Mais les discours sont aujourd’hui complexifiés par le développement de nouveaux outils liés à la technologie (réseaux et médias sociaux) et de nouvelles techniques (storytelling) qui mettent désormais les marques en avant plus que les produits. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que dans la relation avec les entreprises, les clients sont en attente d’une authenticité, d’un simulacre dans lequel l’image est essentielle. Et cette relation le client n’est pas complètement dupe.

Bien évidemment, comme le rappelle Yvon Pesqueux en conclusion, « le mensonge et la triche trouvent un sens par rapport à un modèle normal qui semble être seul digne d’être étudié ». Ce modèle normal renvoie donc à des questions de normes mais aussi de comportements et d’éthique. Néanmoins, reste un constat irréductible : « et pourtant nous mentons ». Sans doute parce que dans cette affaire le mensonge est un relâchement de la raison face à l’effort permanent que requiert la vérité…